Ce village est une création seigneuriale dont nous connaissons précisément l'origine :
Henri II donne à Raoul Waspail en 1156 "trois cents acres de terre dans la forêt de Roumare, entre le Val de La Fontaine
et le Val de Maromme, entre le Grand Chemin de Saint-Wandrille et Hénouville".
Sur ce terrain apparemment vide et forestier, Raoul Waspail va fonder le village qui portera son nom :
La Vaupalière "propriété du seigneur de Waspail". Les habitants sont les vespaliens et les vespaliennes.
Raoul Waspail, vassal de Henri II d'Angleterre, alors duc de Normandie, fonde vers 1155 une paroisse sur le terrain que son seigneur vient de lui concéder. Très rapidement (vers 1170) Waspail fait construire une église pour les besoins religieux des habitants de la nouvelle paroisse. Cette église, bâtie d'un seul jet est celle qui subsiste encore aujourd'hui intégralement.
Elle est d'un beau style roman dont le caractère appartient bien au XIIe siècle.
Saint Léonard et saint Nicolas furent choisis pour être les patrons de la nouvelle église où nous trouvons, avec le culte accoutumé à la sainte Vierge, celui de saint Adrien et de saint Laurent.
C'est à M. Dutertre, inspecteur du travail des enfants dans les manufactures, ancien de l'Administration des télégraphes, que la Haute-Normandie doit son premier réseau téléphonique. M. Dutertre en tant que membre de la Société Industrielle, participait aux conférences faites à l'Hôtel de ville de Rouen en décembre 1877. C'est lui qui, avec le docteur Gouault réalisa les premières expériences téléphoniques.
Dès le mois de juillet 1878, M. Dutertre installe un fil téléphonique entre sa demeure particulière et la mairie de la petite commune de La Vaupalière dont il est le maire. Puis peu à peu, il ajoute de nouveaux fils: il relie le garde champêtre distant de 1600 mètres, le receveur des contributions, distant de 2000 mètres. En mai 1879, il fait la demande officielle pour un réseau avec 6 stations : j'ai l'intention de faire construire un réseau complet de lignes aériennes qui relieraient à la Mairie la recette des contributions indirectes, dont le receveur est un conseiller municipal et le domicile du garde-champêtre. Les mêmes poteaux serviraient à supporter des fils spéciaux mettant en communication la Mairie avec le presbytère et la maison de l'adjoint au maire plus le prolongement de la ligne vers ma demeure particulière. Les avantages généraux de cette installation seraient de relier les extrémités de la commune avec la Mairie d'où seraient expédiés des ordres, il serait facile d'obtenir promptement les secours des sapeurs pompiers ou de la gendarmerie. En mai 1880 M. Dutertre obtient du Ministre, avec avis favorable du préfet, l'autorisation de relier son réseau à Maromme, le chef lieu de canton situé à 4 km de La Vaupalière.
Voici la description du réseau : "l'appareil choisi est celui de Gower (système de Bell perfectionné). Des études comparatives ont fait reconnaître que le système Bell est encore celui qui a la supériorité pour transmettre les caractères distinctifs de la voix M. Dutertre a ajouté un ingénieux petit système avertisseur, pour qu'il fût possible de savoir sans retard si quelqu'un se trouvait à l'appareil sollicité pour répondre immédiatement. Le fil est supporté à l'aide d'isolateurs mobiles dits à queue. La portion du fil susceptible d'être en contact avec le support est entourée d'un morceau de caoutchouc vulcanisé. Dans une grande étendue du parcours, les supports-isolateurs sont piqués aux arbres de la forêt le long de la route qui conduit à La Vaupalière. Une fois en haut de la côte, les isolateurs sont apposés contre les maisons; puis, sur un espace d'environ deux kilomètres, ils sont attachés à des poteaux placés de 90 mètres en 90 mètres. En face de la mairie, un certain nombre de fils devant provenir de différentes directions et attendant une destination sont réunis dans un tuyau, traversent le chemin sous terre et arrivent au système receveur. Pendant ce cours trajet les fils sont chacun revêtus d'une couche de gutta-percha ; cet enduit a pour but d'isoler les courants. Là, chaque fil est mis en rapport avec un commutateur suisse. Par le moyen de cet appareil, on établit la communication avec le point téléphonique avec lequel on doit correspondre.
Les essais sont tout à fait concluants et certifiés par le docteur Laurent, membre de la Société Industrielle de Rouen, qui rapporte: j'ai entendu distinctement les paroles et les phrases émises par les personnes qui ont communiqué avec moi par le téléphone administratif de M. Dutertre. Le son de la voix arrive à l'oreille, de manière à comprendre très clairement. Le timbre présente même des différences caractéristiques qui permettent de reconnaître la voix des personnes qui parlent ". De son côté, M. Dutertre écrit au Directeur ingénieur des télégraphes de Rouen : "ce fil a fait ses preuves; gendarmes, contrôleur des contributions directes et indirectes, percepteur, agent-voyer, l'ont tous employé pour avoir des renseignements plus prompts; des malfaiteurs, des conducteurs de voiture ivres ou sans lanterne, ont pu être arrêtés, signalés au passage par le secrétaire de la mairie' (juin 1881).
En novembre 1880, M. Dutertre présente à ses collègues de la Société Industrielle, un projet de "téléphonie administrative dans les communes rurales et de son application au service public". II montre tout d'abord la supériorité du téléphone sur le télégraphe : "pour un service télégraphique il faut un employé spécial, un employé initié aux difficultés de la marche de l'appareil télégraphique. Avec l'appareil téléphonique, point de complications semblables. Tout le monde est apte à parler dans un cornet téléphonique, à mettre le cornet à l'oreille, à écouter. 11 suffit d'une explication fort simple, d'une démonstration élémentaire pour permettre à même une personne dont l'instruction est très restreinte, pour ne pas dire nulle, de correspondre par le téléphone. ".
M. Dutertre insiste ensuite sur les profits que chaque commune rurale doit retirer du téléphone : "je mentionnerai tout d'abord les communications qui doivent avoir lieu dans la commune. Quand il est nécessaire de recourir au garde champêtre, il faut avoir sous la main quelqu'un à envoyer chez ce fonctionnaire, il faut écrire l'ordre à transmettre, remarquez la vitesse d'exécution avec l'emploi du téléphone. Une communication verbale est rapidement faite et allège le fardeau bureaucratique. Actuellement, il faut de trois à cinq jours pour les communications de commune à commune.
Les intérêts agricoles eux mêmes ont une part considérable à attendre du téléphone administratif. Les dépêches astronomiques, le cours des denrées, certains conseils urgents, etc... pourront être propagés dans un bref délai parmi les habitants. Il n'est pas jusqu'à l'administration militaire pour le recrutement; lors d'une levée d'hommes, en cas de guerre, et même la stratégie qui n'aient à profiler largement de l’installation en question.
En cas d'incendie, on ne saurait encore contester qu'il soit du devoir de l'autorité municipale de recourir le plus promptement possible, à tous les moyens, pour faire appel aux personnes capables de porter secours. II en sera de même s'il arrive un accident.
Un aune point essentiel que je ne puis passer sous silence, c'est l'assistance médicale dans les campagnes. Vous remarquerez que notre petite commune, comme bien d'autres, est trop petite pour posséder un médecin et un pharmacien. Les habitants sont obligés, pour se faire soigner, de s’adresser à un praticien domicilié à une distance plus ou moins gronde ; le médecin n'est pas chez lui, est en tournée, quelquefois dans une commune avoisinant La Vaupalière ; il retourne fort tard à son domicile où il trouve l'adresse du malade de La Vaupalière. Le médecin, harassé de fatigue renverra au lendemain matin la visite à faire. Avec l'installation d'un appareil téléphonique quelle différence ! Un appareil serait placé chez le médecin cantonal chargé de la médecine chez les indigents et le médecin le plus voisin de la commune. Le médecin pourrait être prévenu par le téléphone, chez lui et dans les communes où il est en tournée, Il pourrait en passant à chaque station téléphonique, s'informer s'il est demandé. On peut dire de même pour ce qui concerne le pharmacien et l'obtention de médicaments urgents.
Ainsi encore, au moment des élections, pour les renseignements nombreux que les autorités réclament ,cette installation sera on ne peut plus utile.
M. Dutertre propose ensuite la formation d’un réseau plus complet qui relierait 13 communes du canton de Maromme. Il prévoit même des lignes supplémentaires qui fonctionneraient dans le cas où une ligne du réseau serait interrompue pour une cause ou pour une autre". Après avoir pris contact avec les deux compagnies qui exploitent le téléphone â Paris, il évalue le coût total à 6.500 Fr dont 150 Fr par km de fil et 100 Fr pour chaque station téléphonique.
Enfin, pour rentabiliser le réseau, M. Dutertre propose que le téléphone administratif 'soit autorisé à servir les particuliers pour les communications privées Cela créerait une source de revenus qui pourrait être employée : premièrement à la défalcation des premières dépenses d'installation , deuxièmement à la satisfaction des frais d'entretien , troisièmement à la rémunération des employés ou des personnes employées à la manipulation et au soin des appareils.
Est-il nécessaire de préciser que ce projet fut présenté au Conseil Général et au préfet, qu'il fut jugé intéressant mais que, personne n'y donna suite mis à part une demande d'enquête du Ministre en juin 1881 qui écrivait alors : 'j'ai tout lieu de craindre aujourd'hui que la ligne ne serve à tout autre chose qu'à l'usage auquel elle était primitivement destinée." Heureusement pour M.Dutertre, une discrète vérification des gendarmes permet au préfet de répondre : "le fil ne sert que dans un intérêt administratif et général.
Malgré le support du docteur Laurent, membre de la Société Industrielle de Rouen, qui argumenta sur la supériorité d’un réseau téléphonique entre communes rurales par rapport au télégraphe, Louis Dutertre qui avait construit et entretenu ce réseau à ses propres frais dans le souci de l’intérêt administratif et général dut se résoudre à en arrêter les améliorations en l’absence de certitudes durables de la part des autorités.